Minuit. Que faire à minuit - que faire à minuit à Malwen. Le château métamorphomage, hormis quelques pièces vides, quelques sofas, quelques coins reculés, n'était pas propre à l'insomnie, et encore moins à toutes les horreurs dont elle corrompait l'esprit.
L'extérieur, le froid de son air, le vide de son ciel, était un bon compromis ; avec ça, Dawn pourrait se distraire. Le jeune homme, penché à la fenêtre du Quatrième étage par laquelle il fumait, fit tomber les cendres de quelques coups d'index, puis disparaître le mégot d'un sortilège informulé. Il ne s'était pas couché ; vieille angoisse, peut-être. Ces saloperies ressurgissaient à leur gré. Dehors, bien sûr, il faisait noir ; à certains endroits plus noir qu’à d’autre. La forêt, par exemple, où personne n’allait jamais, et, surtout, la grande étendue sombre du lac. Du château, on n’entendait des cascades qu’à peine un bruissement, les soirs de silence.

Sortir, oui, était une bonne idée. Il ne s’était pas changé ; il se contenta de passer sa cape d’hiver par-dessus l’uniforme de Malwen. Parfois, elles pouvaient se révéler vraiment utile – comme lorsqu’un professeur décidait de faire cours dehors par -4 degrés pour leurs montrer toutes les subtilités de la Souvenance Magique. Et puis, en se glissant entre les lits de ses condisciples endormis (pour la plupart du moins. Certains sons discrets sur la gauche tendaient à lui indiquer que ce n’était pas le cas de tous, et il aurait juré avoir vu Isabella, de la Médico, se glisser dans le dortoir un peu plus tôt. Félicitations au type, cette fille était absolument superbe, en plus d’être la meilleure de sa classe.), il finit par rejoindre la porte.

Le froid le mordit mieux encore qu’Isabella. Il releva le col de sa cape pour couvrir son cou, carra un peu ses épaules et marcha, droit devant lui, sans trop regarder. J’ai mal au crâne. A mesure qu’il avançait, le fracas des chutes d’eau devenait de plus en plus présent ; il ne changea pas de direction. Putain, j’ai mal au crâne.
Il n’était plus très loin lorsqu’il aperçut l’ombre masculine près des murs d’eau. Encore un insupportable romantique cherchant l’inspiration près du saule, sans doute – il s’apprêtait là s’éloigner, lorsqu’il reconnut la voix. Il la connaissait bien ; mieux que bien. Combien de fois avait-il consolé Lux de ses déboires avec son frère, combien de fois l’avait-il insulté pour se montrer solidaire… Manquait plus que ça. … Et parce qu’il ne le supportait pas. Trop beau, trop prétentieux, trop faux, trop son propre double aussi. Souci de vanité.
Le soupir qu’il lâcha était parfaitement audible, et il s’arrêta seulement à deux pas du jeune homme allongé.

« Alors, Chamberlain, on dort à la belle étoile ? Le dortoir ne veut plus de toi ? »

Parfaite mauvaise foi, bien entendu. Dawn, très droit dans sa cape chaude, se contentait de baisser les yeux sur lui.

(ok, je ferai mieux ensuite TT")

« Le dortoir ne veut plus de moi ? Tu blagues. Tous les Nasteen mangent dans ma main, garçon. »

Kirby releva légèrement le buste, son coude appuyé contre le sol. Il regardait l’autre avec une certaine curiosité. « Et toi, tu fais quoi ici ? » Un sourire amusé au coin des lèvres et : « Ah mais oui. Tu viens payer les dettes à ton aîné. »

Le bonhomme se racla la gorge. « Ne t’avise pas de prendre un air étonné Souless. J’avais bien raison. Le prof de potions va être exclu pour trafic de philtres d’amour. » Un silence. « Et on avait parié, n’est-ce pas ? »

Les deux étalons avaient tendance à parier depuis deux ou trois ans déjà. Kirby a toujours eu cette fâcheuse tendance à vouloir avoir raison et surtout, il aimait jouer. Et comme avec les deux ça n'a jamais été très tendre, il souhaitait constamment montrer aux autres qu'il sait tout mieux que celui aux cheveux rouge. Enfin, surtout à sa soeur Lux. Et très souvent c'était pour des trucs absolument sans intérêt.

« Et donc ? Tu me dois quoi, cette fois ? »

« Ah ouais ? »

Les mains enfoncées dans ses poches, Dawn haussa les sourcils - expression vite nuancée par une moue contrariée.

« Ça va, y'a aucune fierté à avoir. C'était plutôt évident. »

Mauvaise foi manifeste - si la chose était si évidente, il aurait eu tôt fait de prendre ce pari lui-même ; peut-être pourrait-il arguer que Kirby avait choisi cette réponse avant lui, et qu'il n'avait plus eu qu'à soutenir l'hypothèse inverse. Non, c'était simplement qu'il n'avait pas cru un mot des dires de ce sale type, et qu'il avait voulu le contrarier en relevant le pari.
Il s'assit dans l'herbe, les jambes repliées, entoura ses genoux de ses bras, joignant ses mains.

« Tu sais parfaitement ce que je te dois. Ca compte pas, t'étais bourré. Et j'étais bourré aussi. »

Ce baiser-là, il avait la ferme intention de l'en priver. Embrasser Kirby Chamberlain était la pire idée qui soit, peu importe le contexte, et peu importe également le pari.
A la vérité, ils n'étaient pas tout à fait ivres, lorsqu'ils avaient fait ce pari débile - pas à proprement parler. Ils avaient bu quelques Bièraubeurres, voilà tout. Quelle idée, aussi, de se retrouver au village sorcier le plus proche pour prendre un verre. Ces deux-là ne s'entendraient jamais. Et l'idée de l'embrasser, à ce moment-là, lui avait paru détestable, bien sûr, mais pas si dénuée, aussi, de ce frisson de l'interdit, le genre que t'as quand t'es gamin.
Un soupir. Il modifie sa position, pour s'agenouiller et poser les paumes à plat sur l'herbe froide.

« Tu crois que je vais me dégonfler, hein ? »

Ce connard aura pas cette joie. Il s'approche de lui, incline la tête - et l'embrasse, sans douceur aucune. Et en profite pour mordre sa lèvre. Ca lui fera les pieds.