Bon Dieu, il fait froid.

Dawn dansait d'un pied sur l'autre, pliait et dépliait ses doigts rougis par le froid du matin. A ce sujet, les États-Unis n’étaient guère mieux que l’Angleterre ; à six heures du matin, dans le stade de Quidditch, une brume blanche montait du sol pour venir mordre les chevilles du Cohary. Il aurait volontiers attendu les heures plus clémentes de la journée, mais le terrain était réservé bien plus souvent qu'on ne pouvait s'y attendre. Comme si les gens aimaient jouer au Quidditch.
A chaque minute il regrettait un peu plus d’avoir accepté de rendre ce service – et son seul compagnon, son balai, n’était pas du genre réconfortant. Les lettres Comète brillaient faiblement sur le manche de bois sombre ; un bon balai, avait dit Michelle. Tout ce qu’il en savait, c’était qu’il s’agissait du dernier ou peut-être avant-dernier modèle, et que, si sa sœur l’avait choisi, il devait être tout à fait honorable.
Dawn n’aurait jamais songé à lui accorder un adjectif plus frappant. Il n’était pas assez naïf pour imaginer qu’un balai serait assez pour rattraper tout à fait sa totale absence de talent pour le Quidditch. Il volait de façon très correcte, mais rien n’y faisait : le sport, lui, lui échappait toujours. Et Dawn le lui rendait bien, trouvant les matchs absolument ennuyeux. Il s’y rendait pour encourager ses amis, lorsqu’il ne trouvait aucune excuse satisfaisante, ou pour éviter les foudres de sa sœur.
Mais Michelle avait insisté, beaucoup, pour que son cher frère possède un modèle récent, rapide, puissant, précis – avec tout un tas de superlatifs qui avaient rendu Dawn passablement soupçonneux. Comme lui, la brunette détestait la routine, et pouvoir lui « emprunter » son balai à tout moment n’était sans doute pas pour lui déplaire. Aux dernières vacances, le pauvre Comète s’était retrouvé dans la valise du jeune homme par erreur ; si seulement, si seulement il l’avait laissé à Londres…

Mais il fallait faire preuve de bonne volonté – et, surtout peut-être, de courage. Il aurait donné cher pour être encore dans son lit ; il n'avait pas pu refuser la demande de Lux, et il était impensable de s'enfuir maintenant. Ce serait la parfaite occasion pour lui avouer-
Il était incapable de le lui dire. Il serait incapable de le lui dire. Il imaginait sans peine sa réaction, et ne pouvait qu'admettre qu'elle serait amplement justifiée. Ce qui s'était passé... Ce n'était rien d'autre qu'une énorme erreur. Elle comprendrait, peut-être, et- Non, bien sûr, il était ridicule d'espérer. Lux était une amie proche, et coucher avec son frère était au-delà de ce qui pouvait être pardonné. Quel imbécile, par Merlin, quel imbécile.

Il avait passé ces derniers temps à l'éviter tant que possible, écourtant leurs conversations en prétextant un devoir urgent, bifurquant lorsqu'il la voyant apparaître au bout d'un couloir, arrivant en retard aux quelques rares cours qu'ils avaient en commun – des années d'entraînement jouaient en la faveur du jeune homme, qui avait la pratique de la fuite de son côté. Éviter était pratiquement devenu une seconde nature.
Dawn sursauta. Est-ce que le balai venait vraiment de s'ébrouer dans sa main ? Ok, il faisait froid, mais- Oh. Le jeune homme prit soudain conscience qu'il n'avait cessé de gratter le vernis sombre qui recouvrait le bois, par nervosité sans doute. Est-ce que son Comète lui signifiait d'arrêter ? Est-ce que son balai avait une conscience ? Peut-être le froid, l'un de ses propres frissons... Il faudrait en parler à Lux, et- Lux. Merde.
Il avait reçu son hibou la veille, et la bestiole, un petit-duc revanchard, l'avait harcelé jusqu'à la fenêtre du Dortoir jusqu'à ce qu'il lui attache sa réponse à la patte. Fichu volatile. Il aurait adoré ignorer le message de son amie ; pourtant, l'acharnement de l'oiseau était peut-être un signe, une connerie de ce genre, pour l'inciter à lui avouer, à l'aider à s'entraîner, à... C'allait être un désastre. Dawn resserra un peu la veste sur ses épaules, se passa les doigts dans les cheveux, pour se donner une contenance, peut-être. Salut, je suis le type qui a baisé ton abruti de frère que tu ne peux pas supporter et qui te traite horriblement mal et que j'ai maudit je ne sais combien de fois.

Je veux m'en aller.

Il n'était pas à ce point lâche. Peut-être pas. Pour tromper l'attente, et oublier le nœud qui enserrait son ventre, il enfourcha son balai, et frappa du pied sur le sol, pour s'élever à quelques mètres du sol. Il n'avait pas volé depuis longtemps ; depuis les dernières vacances, en fait, quand Michelle l'avait menacé de ne pas lui laisser une part de ce délicieux gâteau aux pêches s'il ne venait pas avec elle. Cruauté et chantage.
L'air froid, pourtant, lui fit du bien ; lorsqu'il redescendit, ses joues et son visage étaient d'un rouge soutenu, et ses cheveux complètement décoiffés. Lux arrivait – il lui sourit, vaille que vaille.

"Voilà la gardienne !"

Echec, Dawn. Tu aurais pu faire beaucoup, beaucoup mieux. Mais avec un peu de chance, à cette distance, elle ne discernerait pas le ton forcé de l'accueil.
Ou alors elle l'attribuerait à une hypothétique culpabilité, quant au fait qu'il aidait une élève d'une maison adverse alors que tous les Cohary attendaient la Coupe avec impatience. Non – elle le connaissait mieux que ça.

Imiter stupidement, aveuglément mais tout au moins brillamment son frère pour obtenir de sa part un semblant de considération à défaut d’une véritable fierté ou de respect n’avait jamais vraiment marché pour Lux. Elle avait fini par s’en rendre compte après de nombreuses tentatives désespérées qui ne lui avaient apporté que plus de douleur. Une relation saine et enrichissante entre Kirby et Lux était tout simplement impossible. La jeune fille l’avait compris, trop tard pour ne pas avoir de séquelles, mais l’avait accepté. Le Quidditch était une des nombreuses choses qu’elle avait faites pour impressionner son frère. Comme la plupart du temps, elle s’avéra tout aussi douée que lui, même peut-être plus, mais on dira sans doute que je manque d'impartialité. À Poudlard, ils se retrouvèrent adversaires deux années de suite, les sixième et septième années de Kirby, quatrième et cinquième de Lux. Ces deux années-là, la maison de Poufsouffle remporta le championnat. De quoi faire enrager Kirby pour le restant de son existence. À son arrivée à Malwen, Lux avait eu la décence de ne pas postuler pour intégrer l’équipe de Quidditch pour trois raisons. La première, été sans doute le plus logique était que Nasteen avait déjà un gardien, et un bon, entrer en compétition avec lui était du suicide. La deuxième, était la présence de son frère dans l’équipe. Jouer contre Lux, il l’avait supporté car il espérait toujours la battre, mais jouer ensembles, c’était impensable et Lux ne voulait surtout pas voir son frère énervé contre elle, préférant de loin qu’il se limite à l’ignorer. La troisième enfin, plus subtile, était Wade. En effet, à son arrivée à Malwen, Lux avait cet espoir fou que les choses s’arrangent enfin entre eux et n’avait absolument pas le temps de penser à autre chose qu’à leur hypothétique future relation parfaite. Mais tout avait changé depuis la première année de Lux. Le gardien de Nasteen avait fini ses études, elle se fichait complètement de ce que pensait Kirby, et elle n’avait plus aucun espoir pour elle et Wade don, elle avait décidé de postuler pour le poste à pourvoir. Et elle l’avait eu. Un peu rouillée cependant, elle passait tout son temps libre à s’entraîner pour ne pas se ridiculiser lors du premier match de la saison contre Nissena.

Elle avait bien essayé de s’entraîner toute seule, en ensorcelant le souaffle, mais l’effet n’avait pas été celui escompté. Qui aurait pu dire qu’il souaffle pouvait être si prévisible ? Elle avait besoin de quelqu’un. Elle avait tressailli en pensant cela. Au fur et à mesure des années, Lux avait appris à ne compter sur personne et cela marchait de mieux en mieux pour elle. Il ne lui fallut pas longtemps pour réaliser qu’elle n’avait pas cent cinquante choix de gens à qui s’adresser. Dans les gens qu’elle connaissait, elle avait besoin quelqu’un avec qui elle supportait de passer plus de cinq minutes, qui aimait le Quidditch ou qui l’appréciait suffisamment pour lui accorder cette faveur, et tout cela en étant bien évidemment de Nasteen car il était peu probable qu’un élève d’une autre maison aide la gardienne de Nasteen à écrabouiller ses compères. Elle avait donc… zéro possibilité. Il fallait revoir ses exigences à la baisse… Une maison quelconque fera sans doute l’affaire. Elle avait à présent… une option. Une seule option, un seul ami qui l’aime suffisamment. Il allait falloir être fin, car le Quidditch n’était pas vraiment le domaine de prédilection du garçon.

6 a.m. Lux avait envoyé un hibou à Dawn la veille, lui donnant leur heure de rendez-vous au terrain de Quidditch. Elle ne savait pas s’il allait se montrer mais l’espèrait vraiment. Pas uniquement parce que sinon elle allait encore se retrouver seule avec une balle ensorcelée, mais également parce Dawn avait été occupé récemment, elle aussi et ils n’avaient pas eu le temps de passer du temps ensembles. Du moins pas de vrais moments, à peine plus que quelques minutes au détour d’un couloir ou au déjeuner et il fallait avouer que ça n’était pas habituel. À son grand étonnement, quand elle arriva au terrain, Dawn était déjà sur son balai et planait à quelques mètres du sol. Lux leva les yeux vers son ami, il ne la remarqua pas avant de perdre de l’atltitude et se poser au sol à quelques mètres de l’entrée du stade par laquelle Lux arrivait. « Voilà la gardienne ! » Il ne semblait pas vraiment ravi et pour cause, Lux savait à quel point il pouvait détester le sport. Elle le salua de la main avant d’accélérer le pas pour arriver à son niveau. « Ne fais pas cette tête-là ! Je te revaudrai ça ! » Lux aplati de la paume de sa main droite les cheveux ébouriffés de Dawn en un mouvement délicat et amical. Elle posa son balai par terre, fit glisser son sac de son épaule et s’accroupi tout en demandant : « Tu vas bien ? » Elle baissa les yeux, ouvrit son sac et en sortit le souaffle et deux paires de gants. Elle se redressa avant de catapulter le sac vide sur le bord du terrain. « Je t’ai pris une paire de gants, je ne savais pas si tu en avais une… » La jeune Nasteen accompagna ses paroles d’un geste et tendit les gants en cuir marron au rouquin.


Je n'ai pas relu, ça doit être bourré de fautes, je m'en excuse, mais il est tard, je relirai demain.